1/2 – Les médecines non conventionnelles : la position des facultés de médecines françaises

La médecine occidentale enseignée dans les facultés repose sur un socle de connaissances commun et reconnu par la communauté internationale médicale et scientifique.

Chaque progrès est validé selon la méthode dite « scientifique », « l’Evidence Based Medecine » (EBM), ou médecine basée sur les preuves.

Cette médecine, universelle, que l’on doit aux grands savants dans l’héritage des Lumières et surtout du XIXème siècle (Laennec, Bichat, Harvey..), repose sur une méthode : la méthode anatomo-clinique. Elle signe l’abandon de la médecine dogmatique (hypocratique) du Moyen-Age. Elle a d’abord nécessité de revisiter les fondamentaux (l’Anatomie par André Vésale dès le XVIème siècle) parallèlement au développement de la physiologie (Claude Bernard) et de l’anatomie microscopique (Morgagni) et de la microbiologie (Pasteur), etc.

Depuis le XIXème siècle, des publications, des réunions médico-scientifiques internationales de diffusion de connaissances, sont contrôlées par des sociétés dites « savantes » organisées de telles façon que de nombreux filtres (comités éditoriaux, conseils scientifiques, etc.) vérifient continuellement la légitimité des auteurs la méthodologie employée et les résultats soumis.

De ce fait, l’exactitude des données publiées, et des progrès dans le champ de la médecine, sont jugés incontestables et sont à la base des décisions politiques en matière de Santé Publique.

Les « Thérapies complémentaires » ou encore de « Médecines non conventionnelles » (cf infra pour l’importance des définitions) consistent en plusieurs dizaines de « pratiques de soins » différentes. Une classification de ces activités peut être proposée (cf infra).

Elles peuvent être définies comme « l’ensemble des pratiques et méthodes exercées par différents praticiens de qualifications diverses, et dont le but annoncé est de soigner ou de soulager les patients, mais pour lesquelles leur efficacité potentielle est généralement contestée par les facultés de Médecine et le monde Universitaire.

Cette réalité a 3 conséquences :

  1. La première conséquence est l’absence de reconnaissance officielle, par l’université, de la plupart des diplômes et qualifications revendiquées par ces praticiens ;
  2. La seconde est l’absence d’évaluation réelle, selon la méthode scientifique, de ces pratiques, étant donné qu’elles ne sont, le plus souvent, pas réalisées dans les hôpitaux universitaires où a lieu la recherche clinique ;
  3. La 3ème conséquence est la possibilité de dérives de type « exercice illégal de la médecine » ou « charlatanisme », comportement de type dogmatique, voire  sectaire, ou encore dérive mercantile qui, au final, représentent potentiellement un danger pour la population.

Or, 70% des habitants de l’Union Européenne ont ou ont eu recours à des « thérapies complémentaires », 25% y recourent chaque année et 80% des patients atteints de cancer y recourent (ref CGSP). Un sondage très récent indique que plus de 2 français sur 3 sont convaincus des bienfaits des médecines non conventionnelles.

70% des habitants de l’Union Européenne ont ou ont eu recours à des « thérapies complémentaires », 25% y recourent chaque année et 80% des patients atteints de cancer y recourent.

Régulièrement, l’opinion publique se saisit de ces sujets et les débats sont souvent passionnés. Les facultés de médecine sont très régulièrement sollicitées et/ou critiquées pour héberger des formations jugées par certains comme relevant du charlatanisme (ref, débat récent sur l’homéopathie).

Les Facultés de Médecines françaises, coordonnées par la Conférence des doyens de faculté de médecine français », adoptent par le présent texte une position sur ce sujet.

De l’importance des définitions et du sens des mots (sémantique)

Les termes de médecines parallèles (qui ne se croisent pas) ou de médecine alternative (autre médecine) doivent être définitivement abandonnés.

La conférence des Doyens considère qu’il n’y a qu’une seule Médecine. La Médecine peut se définir comme « la Science qui a pour objet la conservation et le rétablissement de la santé », ou encore « l’art de prévenir et soigner les maladies de l’Homme ». L’organisation Mondiale de la Santé complète cette définition en rappelant que « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

En conséquence, toute « méthode » prétendant pouvoir diagnostiquer ou guérir des maladies dans un cadre totalement étranger à celui de la médecine conventionnelle, enseignée dans les facultés doit être considérée comme potentiellement très dangereuse. Les risques d’abus de faiblesse, de retard de diagnostic pour des maladies potentiellement curables au début de leur évolution, de non assistance à personne en danger, voire de dérive sectaire sont importants. Un certain mercantilisme existe et se développe dans ce domaine.

L’académie Nationale de Médecine, auteure d’un rapport sur le sujet en 2013, énumérant l’ensemble des termes employés pour la désigner (médecines douces, médecines naturelles, soins de supports, patamédecine etc…), a choisi le terme de « Thérapies complémentaires » et souhaite que cet usage soit largement adopté.

Nous ne partageons pas totalement cet avis. D’une part, nous pensons que le terme de « non conventionnelles » doit y être rattaché pour bien spécifier à chaque fois que l’efficacité de ces traitements n’est pas (encore) démontrée par convention du corps médical et de façon scientifique, selon les principes du « jugement nécessaire par les pairs »  rappelés plus haut.

D’autre part, le terme de « Thérapie » prête à confusion. Ce terme regroupe classiquement les notions de prévention, de traitement, de soins ou de soulagement des symptômes et/ou des causes des maladies (étiologies).

Nous pensons qu’une distinction claire doit être faite entre la « thérapeutique » d’une part, qui pourrait désigner l’ensemble des mesures reconnues internationalement pour obtenir une guérison (ou l’amélioration) des lésions observées, et « les soins », ou « pratiques », d’autre part, qui peuvent ou doivent (?) être apportés en complément des thérapeutiques, en raison de l’adhésion de plus en plus importante des patients.

Parmi ces « soins », on peut là aussi distinguer les soins (ou pratiques) conventionnels (par exemple, les soins infirmiers, psychologiques, de kinésithérapie etc… prodigués par des professionnels de santé formés à l’université) et les soins non conventionnels, qui font actuellement débat (hypnose, méditation, ostéopathie ou autre (cf infra)).

On note que les Centres de Lutte contre le Cancer ont depuis plusieurs années adopté dans leur arsenal médical, des soignants ou des services dénommés « Soins de support ». Ce terme, traduit de l’anglais « supportive care », désigne l’ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes atteintes de cancer, parallèlement aux traitements spécifiques, lorsqu’il y en a, tout au long de la prise en charge des maladies graves ».

Les objectifs de ces soins sont de diminuer les effets secondaires des traitements et l’effet de la maladie et d’assurer la meilleure qualité de vie possible aux patients et à leurs proches.

Dans cet esprit, il nous semble que le terme de « médecine intégrative » nous apparaît le plus adapté. Cette expression montre la possibilité d’intégrer la « thérapeutique » d’une part, qui a pour objet de guérir les malades dans la mesure du possible, et les « soins » (ou « pratiques ») d’autre part, qui ont pour objet de tendre vers une meilleure qualité de vie et un meilleur vécu de la maladie.

Le terme anglosaxon « d’integrative medicine » est celui utilisé dans la littérature médicale anglosaxonne. Un consensus sur ce terme rendrait possible les échanges internationaux et les évaluations médicales scientifiques sur ces sujets.

La promotion de travaux de recherche clinique dans le domaine de la médecine intégrative, au sein des facultés de médecine, rendrait possible le passage de techniques depuis le champ « non conventionnel » vers le champ « conventionnel » en fonction des résultats de leurs évaluations scientifiques au cours du temps.

Le terme de « médecine holistique » (du grec ancien holos, signifiant « entier ») semble moins convenir. Il constituerait un « reproche » fait aux médecins « conventionnels » de ne s’attacher à traiter uniquement qu’un organe, un symptôme ou une fonction précise et non le patient dans sa globalité. Inversement, la prétention holistique de certaines approches thérapeutiques est souvent considérée comme prétentieuse par les médecins spécialisés et en décalage avec la réalité des résultats obtenus pour chaque maladie.

La tradition universitaire médicale française, emprunte de philosophie et d’humanisme, a toujours, ne serait-ce que par le contenu du serment d’Hippocrate prêté par chaque étudiant à la fin de sa formation, intégré cette dimension.

Malgré les progrès techniques fulgurants et les développements des spécialisations, la médecine reste enseignée, par la plupart des professeurs d’université, plus comme un Art qu’une Science où la complexité de la personne malade ne doit jamais être réduite à simple un « désordre d’organe » ou à un « dysfonctionnement pathologique d’appareil ».

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Par SafeMed

Collectif de patients et professionnels de santé pour une médecine intégrative.