L’homéopathie dans l’art vétérinaire

L’homéopathie est utilisée en pratique vétérinaire depuis sa création au XIXème siècle, et cela sans que les vétérinaires praticiens entrent véritablement dans le débat virulent auquel on assiste actuellement en France en médecine humaine.

Le débat que l’on rencontre en médecine humaine est vieux de deux cents ans et ne touche que très peu les vétérinaires et les propriétaires d’animaux, qui cherchent avant tout l’efficacité dans une médecine économique et le plus souvent aiguë.

Les vétérinaires ont depuis longtemps tiré les leçons des retours de terrain, et ils n’ont gardé de cette thérapeutique uniquement ce qu’ils avaient reconnus comme efficaces chez l’animal, économiquement aidé en cela par les éleveurs.

Particularités de l’homéopathie en santé animale

L’homéopathie est particulièrement appréciée en pratique rurale (bovine, équine) et industrielle (volailles, porcs, veaux) : efficace, pas d’effets secondaires, pas de résidus dans l’organisme (viande), pas de résidus dans la production (lait), ni dans l’environnement (1). Les médicaments homéopathiques sont par ailleurs d’un coût modique et compatible avec l’élevage. Ce sont des avantages certains qui intéressent grandement les éleveurs traditionnels ou industriels du XXIème siècle.

La non toxicité des médicaments est liée à leur procédé de fabrication légalement défini par la pharmacopée européenne (idem par la FDI américaine), procédé qui comporte 2 étapes à partir d’un principe initial actif :

  • 1ère étape : déconcentrations successives au centième , assortie pour chacune d’une 2ème étape
  • à savoir étape de succussions percutantes (dynamisations)

Les principes initiaux pharmacologiquement actifs appartiennent au règne animal, végétal, chimique ou minéral. On peut dire que ce sont initialement des poisons mais qui seront extrêmement dilués et dynamisés. Ainsi sont préparés les médicaments homéopathiques, à partir de la déconcentration 10-4, figurent à l’annexe II, de la réglementation européenne LMR – limite maximale de résidus. Ils entrent dans la catégorie des médicaments reconnus par le législateur européen comme exempts de résidus (1).
Pratiquer l’homéopathie c’est donc délivrer des médicaments homéopathiques pour soigner un malade ou prévenir une maladie.

Cette délivrance se fait au terme d’une investigation sémiologique précise chez le malade : identification des symptômes du (ou des) malade(s), de son (leur) histoire morbide et de son (ou de leur) profil de production. Ce tableau sémiologique, recueilli chez le (ou les) malade(s), est comparé ensuite au tableau déclenché par les substances pharmacologiquement actives chez l’individu sain, tableaux qui sont décrits dans les livres appelés matières médicales.

Pour les animaux, la recherche des symptômes avec leurs modalités spécifiques est bien connue des vétérinaires : le cheval n’a pas le même métabolisme, les mêmes prédispositions pathologiques que la vache ; quand il est malade, il n’a pas les mêmes modalités symptomatiques. Idem le yorkshire hypersensible, il ne se soigne pas comme un labrador ou un lévrier.
Les homéopathes rechercheront, en plus chez chacun des malades ou dans chaque groupe, les modalités particulières dans leur expression symptomatique (par exemple les améliorations ou aggravations des symptômes par tel ou tel position, manipulation, aliments, chaleurs, etc.).
L’animal ou le groupe d’animaux malades recevra, alors, le traitement homéopathique adapté à sa symptomatologie spécifique et ses modalités particulières.

L’homéopathie pour soigner les petits et grands animaux

L’homéopathie fonctionne quand elle est utilisée avec intelligence : plus on intervient tôt, dès l’apparition des symptômes par exemple, et meilleurs sont les résultats, que ce soit lors d’un dysfonctionnement métabolique, d’un traumatisme, d’un processus dégénératif ou inflammatoire.

On ne devrait pas comparer cette pratique avec l’allopathie, ce sont deux outils différents mais, souvent et efficacement complémentaires. On peut utiliser les deux en même temps. Par exemple, lors d’une mammite d’une vache laitière, on utilisera les antibiotiques adaptés qui auront une action élective sur les bactéries ; l’homéopathie évitera la baisse de performances, la chute de lait, évitera la récidive en relançant l’immunité ; et surtout favorisera le processus de cicatrisation rapidement.

Chez les animaux de compagnie âgés, souvent pluri médicalisés, l’homéopathie permettra de limiter les excès médicamenteux et accompagnera ces « anciens » confortablement dans leur vie quotidienne.

C’est par l’observation, l’expérience, la pratique que s’est créé l’homéopathie vétérinaire, et que certains médicaments furent « inventés » , reconnus efficaces, et maintenant d’usage courant en santé animale. C’est par exemple le cas de Traumadesyl, une préparation homéopathique indiquée pour diminuer la douleur. Si les vétérinaires avaient l’habitude de donner Arnica Montana aux bovins, ils se sont rendus compte que cela ne convenait pas complètement au cheval. Ils l’ont donc combiné à d’autres principes homéopathiques, dont Hypericum perforatum, pour agir contre la douleur très vivement ressentie par les animaux hypersensibles, comme les chevaux.
Chez ces derniers, les pathologies les plus fréquemment traitées en homéopathie, seule, ou associée à la diététique, l’allopathie, l’ostéopathie, etc. sont d’étiologie variée : elles peuvent être les boiteries, toux chroniques, dermite estivale, fourbure, les contre-performances, les peurs et troubles comportementaux. Chez les ruminants ce sont plus souvent les mammites, les troubles métaboliques, les problèmes respiratoires. Chez les chiens et chats, ce sont préférentiellement les problèmes dermatologiques, les troubles du comportement, les maladies idiopathiques telles les cystites du chat, les troubles gériatriques.

Quels sont les résultats de l’homéopathie observés chez l’animal ?

Si une méta-analyse de 2015 demeure pondérée dans son jugement final en raison du nombre limité d’études « constituant des preuves fiables » (3), des analyses plus récentes sont prometteuses, parfois même saluées dans la presse vétérinaire (4-5). Ces recherches citées dans les magazines professionnels datent de 2016 et concernent les mammites de la vache. Elles tendent à démontrer que les antibiotiques dans les mammites aigus sont efficaces dans 74 % des cas contre 56 % des cas pour l’homéopathie. Cependant le taux de guérison dans les mammites sub cliniques (ou « chroniques ») est égal dans les 2 traitements.

Sur 747 animaux suivis, 79,8 % de ceux prenant un produit homéopathique ont montré une amélioration de leur état, avec des résultats particulièrement probants dans les cas d’arthrose et d’épilepsie chez les chiens ou encore de dermatite atopique, de gingivite ou d’hyperthyroïdie chez les chats (8).

En 2012 déjà, une étude sur les volailles révélait qu’une utilisation du principe Thymuline 5 CH augmentait les défenses immunitaires des volailles, en améliorant leur taux de survie et leur productivité (6).

Enfin, une étude publiée en 2018 souligne une efficacité de l’ordre de 50% pour Dia100, une préparation homéopathique utilisée lors de diarrhées chez le veau. À ces résultats s’ajoutent une diminution significative du nombre de bactéries pathogènes dans les fèces et une amélioration de l’absorption des nutriments. Le médicament homéopathique apporte, en l’état, une réponse positive pour une maladie fréquente du veau, potentiellement mortelle (7).

Des analyses basées sur des collectes de données de vétérinaires ont aussi été réalisées : des praticiens ont noté l’évolution de leurs patients (principalement des animaux de compagnie, chiens, chats, NAC et aussi des chevaux) au fil des rendez-vous, en fonction des traitements donnés. Sur 747 animaux suivis, 79,8 % de ceux prenant un produit homéopathique ont montré une amélioration de leur état, avec des résultats particulièrement probants dans les cas d’arthrose et d’épilepsie chez les chiens ou encore de dermatite atopique, de gingivite ou d’hyperthyroïdie chez les chats (8).

Quel avenir pour l’homéopathie vétérinaire?

Face à l’antibiorésistance, l’Anses (Agence nationale française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) souhaite se pencher sur l’efficacité des traitements alternatifs, en leur donnant un cadre juridique. Même si l’homéopathie n’est pas explicitement citée, c’est une bonne nouvelle pour l’avenir des thérapies dites alternatives dont elle fait partie.

En effet, cela oblige une remise en question des protocoles de recherche souvent inadaptés aux pratiques non conventionnelles. L’efficacité de ces dernières, moindre comparativement à celle des antibiotiques, suggère que « cette situation constitue un défi important pour la recherche expérimentale, qui doit adapter ses protocoles à la mise en évidence d’effets de faible intensité, peut-être, mais réels et potentiellement intéressants pour la santé de tous. » (9).
Une fois les protocoles adaptés, l’homéopathie pourrait alors être étudiée pour ce qu’elle est en mettant, peut-être, fin au débat centenaire qu’elle suscite sur son efficacité.

Beaucoup disent ne pas croire en l’efficacité de l’homéopathie, mais ce n’est pas un problème de croyance, c’est un manque de connaissance. […] En science, il n’y a pas de place pour les croyances, il y en a pour les hypothèses qui doivent être confirmées par les études adaptées et objectives. En ce qui concerne l’homéopathie, l’hypothèse est toujours posée, aux études avec protocoles adaptés de venir l’infirmer ou la confirmer.

Beaucoup disent ne pas croire en l’efficacité de l’homéopathie, mais ce n’est pas un problème de croyance, c’est un manque de connaissance. En science, il n’y a pas de place pour les croyances, il y en a pour les hypothèses qui doivent être confirmées par les études adaptées et objectives. En ce qui concerne l’homéopathie, l’hypothèse est toujours posée, aux études avec protocoles adaptés de venir l’infirmer ou la confirmer.

Et en attendant, l’homéopathie vétérinaire, pratiquée intelligemment par des cliniciens avertis, continuera d’apporter son soutien à la médecine conventionnelle, avec des éléments de réussite notable chez l’animal, sans résidus pour la santé humaine ni effets secondaires indésirables pour nos animaux.


(1) Actuellement, tous les médicaments homéopathiques sont en annexe 2 de la réglementation européenne de LMR (limite maximale de résidus), fixée à 2CH (dilution à 10-4)

(2) Mathie, RT., Baitson, ES., Hansen, L., Elliott, MF., Hoare, J., (2010), Homeopathic prescribing for chronic conditions in equine veterinary practice in the UK, Veterinary Record 166, 234-237.

(3) Mathie RT, Clausen J., Veterinary homeopathy: meta-analysis of randomised placebo-controlled trials, Homeopathy. 2015 Jan;104(1):3-8. doi: 10.1016/j.homp.2014.11.001. Epub 2014 Dec 17.

(4) Le Guénic M. et coll. Utilisation d’alternatives aux antibiotiques par des éleveurs laitiers en Bretagne et éléments d’évaluation de leur efficacité. Renc. Rech. Rumin. 2015;22:162p.

(5) Grès M. Utilisation de médecines alternatives par les éleveurs bretons de bovins laitiers et éléments d’évaluation de leur efficacité. Thèse de doctorat vétérinaire, faculté de médecine, Nantes 2014:111p.

(6) César Sato, Veranice Galha Listar, Leoni Villano Bonamin, Development of broiler chickens after treatment with thymulin 5cH: a zoo technical approach, Homeopathy, Volume 101, Issue 1, 2012, Pages 68-73, ISSN 1475-4916

(7) Bruno F. Fortuoso, Andreia Volpato, Luana Rampazzo, Patrícia Glombowsky, Luiz Gustavo Griss, Gabriela M. Galli, Lenita M. Stefani, Matheus D. Baldissera, Emanuel B. Ferreira, Gustavo Machado, Aleksandro S. da Silva, Homeopathic treatment as an alternative prophylactic to minimize bacterial infection and prevent neonatal diarrhea in calves, Microbial Pathogenesis, Volume 114, 2018, Pages 95-98, ISSN 0882-4010

(8) R.T. Mathie, L. Hansen, M.F. Elliott, J. Hoare, Outcomes from homeopathic prescribing in veterinary practice: a prospective, research-targeted, pilot study, Homeopathy, Volume 96, Issue 1, 2007, Pages 27-34, ISSN 1475-4916.

(9) La Semaine Vétérinaire n°1762

Par Marie Noëlle I.

Vétérinaire et homéopathe, enseignante et ancienne professeur à l'école vétérinaire de Lyon