Médicaments : faut-il vraiment en consommer autant ?

Les Français sont les champions de la consommation de médicaments en Europe. Or, en 2011, un rapport parlementaire sur la pharmacovigilance estimait entre 13 et 18 000 le nombre de consommateurs morts de médicaments par an, en France. Faut-il remettre en cause l’efficacité de la médecine moderne ?

84% des Français font « confiance dans les médicaments en général ». L’enquête IPSOS réalisée en 2016 pour le compte du Syndicat des laboratoires pharmaceutiques (LEEM) démontre une forte confiance des Français dans la sûreté et l’efficacité de leurs médicaments. Rien de surprenant donc qu’ils arrivent en tête du classement européen des pays consommateurs de médicaments. En 2014, les Français dépensaient 95 euros par an pour leurs médicaments contre 76 euros pour les Italiens et 68 euros pour les Allemands (source : chiffres Assurance maladie).

Une hyperconsommation à l’origine d’accidents mortels

La situation est effectivement préoccupante, les pouvoirs publics en sont conscients. Rapporteur de la Mission d’information parlementaire sur le Médiator et pharmacovigilance, à l’Assemblée nationale, le député Jean-Pierre Door décrit en 2011 une situation d’hyper-consommation aux conséquences parfois mortelles. Selon le député, “on estime dans notre pays à 150 000 le nombre d’hospitalisations annuelles liées à des accidents médicamenteux et de 13 à 18 000 le nombre de morts provoquées par des médicaments”. Pour l’élu, il y a bien une relation de cause à effet. Et prenant exemple sur d’autres pays, constate “qu’ailleurs, là où l’on en consomme [des médicaments] plus modérément, les patients n’en sont pas pour autant moins bien soignés”.

Le French Paradox

En 2017, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, évoquait une situation paradoxale des patients consommateurs envers les autorités de la santé : « Notre pays est étonnant, à la fois il y a une immense défiance, et à la fois nous sommes le pays d’Europe qui consomme le plus de médicaments ».

Depuis le scandale du Mediator qui éclate au grand jour en 2010, le mouvement anti-vaccin qui gagne du terrain, et plus récemment la révolte des patients sur le nouveau dosage du Levothyrox, l’opinion publique adopte vis à vis de la médecine conventionnelle une attitude de défiance. Dernier épisode de cette crise de confiance, l’ANSM, nouvelle Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé, a été amenée à publier le 28 septembre 2018 un communiqué de presse pour démentir le fait qu’elle aurait dissimulé des informations sur le Levothyrox.

Des mesures “symboliques” pour lutter contre l’esprit de défiance

Dans ces circonstances, on comprend mieux la sévérité dont les Pr Even et Debré ont pu faire l’objet après la publication de leur très controversé Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux. Les deux médecins ont été sanctionnés par l’Ordre des médecins en 2014. Une mesure symbolique pour ne pas entâcher leur honnêteté et leur compétence. S’il est légitime de s’intéresser aux effets secondaires des médicaments ainsi qu’à leurs alternatives, il revient aux autorités de ne pas entretenir le sentiment de défiance de la population en cautionnant des discours qui nourrissent le doute sur l’efficacité de la médecine conventionnelle.

Par SafeMed

Collectif de patients et professionnels de santé pour une médecine intégrative.