Déremboursement : l’homéopathie se réorganise dans un contexte de coronavirus

Depuis le 1er janvier, l’homéopathie, un temps remboursée à 65% avant de passer à 30%, ne l’est plus qu’à 15%. Ce taux tombera à zéro en 2021. Ce déremboursement progressif a déjà de lourdes conséquences pour les laboratoires Boiron, Lehning et Weleda, les principaux fabricants de granules en France. Loin de se laisser affliger par cette situation, les trois acteurs procèdent à la réorganisation de leurs productions, alors qu’ils se sont lancés dans la fabrication de gel hydroalcoolique pour lutter contre le Covid-19.

Inscrits au remboursement depuis 1984, les produits homéopathiques ont longtemps été remboursés à hauteur de 65%, jusqu’à ce que le taux baisse à 35% en 2003, à 30% en 2011, puis à 15% en 2020. L’année prochaine, ils ne seront plus remboursés. Ce déremboursement est un coup dur pour les fabricants.

Lehning et Weleda moins atteints

Pour le suisse Weleda, le risque est réel, mais limité. En 2018, le groupe a généré 93,36 millions d’euros de ventes en France, son deuxième marché derrière l’Allemagne, dont 39% pour l’homéopathie. L’essentiel des ventes se concentre sur les cosmétiques. Weleda recense 390 salariés en France, sur un total de 2500 dans le monde, et détient une seule usine à Huningue (Haut-Rhin).

Le français Lehning est également moins exposé, puisqu’il n’est pas spécialisé qu’en homéopathie mais aussi en phytothérapie. Ce déremboursement touche moins de 5% de son activité. Le groupe ne prévoit donc aucun allègement d’effectif (330 collaborateurs dans le monde). Malgré une relative sérénité chez Lehning et Weleda, il y a aura bien suppression de quelques postes, environ 300 pour l’ensemble des deux groupes.

Boiron plus sérieusement touché, mais pas coulé

La situation semble beaucoup plus périlleuse pour Boiron. Le leader mondial de l’homéopathie, avec 17 à 18% de part de marché, estime que les emplois de 1000 de ses 2516 salariés seraient menacés par le déremboursement.

Boiron a annoncé, fin mars, vouloir déjà supprimer 646 postes et en créer 134 « afin d’assurer la pérennité de l’entreprise », qui vend 60% de ses médicaments en France. Le laboratoire français va en outre fermer, en plus de quelques usines, douze de ses 27 plateformes de préparation dans tout le pays ; ce qui pourrait toucher 4000 emplois indirects.

Sur le plan financier, le déremboursement pourrait entraîner une baisse de 50% des activités du fabricant la première année et de 50% à nouveau l’année suivante. En 2018, le chiffre d’affaires du groupe s’est élevé à 604,21 millions d’euros (dont 358,55 millions d’euros en France) contre 557 millions d’euros en 2019, soit une baisse du chiffre d’affaires de 7,8%.

Nécessité d’adopter une stratégie de diversification

Pour Boiron, la question de sa stratégie de diversification se pose désormais. Selon certains employés, le laboratoire va, dans les mois à venir, se renforcer sur ses marques (sodas, oscillococcinum etc.) sur lesquelles il a la possibilité juridique et les moyens financiers de faire des campagnes de publicité. Il faudra réduire la production de granules pour d’autres produits à fort potentiel commercial.

Boiron a déjà lancé, il y a quelques semaines, de nouvelles gammes de compléments alimentaires en gouttes à base d’extraits de plantes. Il a aussi mis sur le marché un nouveau produit en gélules pour le sommeil, en sous-traitance.

Boiron, Weleda et Lehning engagés contre le Covid-19

En attendant d’asseoir leur nouvelle stratégie, Boiron, Weleda et Lehning se sont lancés dans la fabrication de gel hydroalcoolique, en guise de contribution à la lutte contre le Covid-19. Ils destinent leur production à l’Établissement français du sang et à l’Agence régionale de santé.

L’effort de ces laboratoires est à la fois financier, puisque les solutions fabriquées sont données, mais également humain. Il s’agit d’abord de participer à l’effort de solidarité, en tant qu’organismes faisant partie des secteurs prioritaires relevant d’une activité vitale.

En bouleversant leurs lignes de production pour la bonne cause, Boiron, Weleda et Lehning testent aussi leur capacité de réadaptation.

Par SafeMed

Collectif de patients et professionnels de santé pour une médecine intégrative.