Coronavirus : La polémique sur le remboursement de l’homéopathie cherche à masquer les vraies responsabilités du désastre

Mettre la pénurie de masques et de gel hydroalcoolique actuelle sur le compte de l’homéopathie et de ceux qui l’utilisent pour se soigner, ce n’est pas seulement malhonnête, c’est aussi masquer les vraies responsabilités de la crise : le manque d’anticipation des pouvoirs publics, la minimisation à outrance des risques par les autorités sanitaires, mais aussi l’absence de transparence dans la communication gouvernementale.

L’homéopathie et ceux qui l’utilisent pour se soigner sont-ils responsables de la mauvaise gestion de la pandémie de Covid-19 ? Aussi absurde que cela puisse paraître, la tentation se fait jour d’imputer une part de responsabilité dans le désastre sanitaire aux 13 millions d’euros qui devraient être remboursés en 2020 par la Sécurité sociale aux traitements homéopathiques. C’est ce qu’ont encore tenté les détracteurs de l’homéopathie sur Twitter : certains NoFakeMed ont ainsi créé un lien de toute pièce et dangereux entre le coût pour la Sécurité sociale du remboursement de l’homéopathie qui expliquerait l’absence d’achats de masque, de respirateurs ou encore l’état actuel de l’hôpital public. Traitements contre le stress et les insomnies, contre les symptômes grippaux, les petites pathologies et les maux sans complication : à eux tous, ces médicaments représentent pourtant une goutte d’eau en comparaison du budget de la Sécurité sociale en France (440,8 milliards d’euros en 2011), et du coût d’autres traitements bien plus onéreux comme le paracétamol (202 millions d’euros remboursés en 2016), 8e médicament le plus coûteux pour l’assurance maladie en 2016.

Des stocks stratégiques insuffisants et des mesures insuffisantes

L’argument comptable qui rejette la faute sur les patients et les médecins homéopathes, aujourd’hui en première ligne face au virus aux côtés de leurs confrères et des autres soignants, cherche surtout à exonérer la responsabilité de ceux qui parlaient du Covid-19 comme d’une « grippette » qu’il fallait laisser « circuler ». Ou encore ceux qui niaient que l’épidémie puisse s’étendre hors de Wuhan, déniaient toute forme d’efficacité aux masques pour limiter la propagation du virus, ont appelé les électeurs, y compris ceux déjà malades, à se déplacer dans les bureaux de vote, ont renoncé à dépister en masse la population, ont observé l’hôpital public dépérir et laissé péricliter les réserves stratégiques de masques de l’Etat depuis plusieurs années.

Avec 81 millions de masques chirurgicaux et 5 millions de masques aux normes FFP2 au 21 mars dernier, les stocks stratégiques de l’Etat destinés à équiper le personnel de santé et la population en période de pandémie sont en effet très en deçà des besoins actuels. Pour les seuls soignants en effet, à qui les masques sont aujourd’hui réservés en priorité, les besoins s’élèvent à 24 millions d’unités par semaine. Des chiffres considérables qui ont incité les autorités à réquisitionner l’ensemble des masques chirurgicaux et des masques FFP2 auprès des quatre producteurs français et des distributeurs pour empêcher toute fuite de matériel vers l’étranger. Dans le même temps, les chaînes de production tournent à plein régime depuis fin janvier pour approvisionner les hôpitaux et les cliniques. Ces mesures choc restent cependant insuffisante pour couvrir les besoins des soignants. Avec une capacité de production de 6 millions de masques par semaine en France, il faudrait attendre en effet plus de 2 ans pour reconstituer les réserves de masques stockées en 2009, lors de la pandémie de grippe H1N1.

Pour suppléer ces manques, les industriels du textile comme le Français Petit Bateau, ont converti leurs chaînes de production en urgence pour produire des équipements de protection pour les médecins. De la même manière, des alcooliers comme Pernod-Ricard, les marques de parfum du groupe LVMH, le groupe sucrier Tereos ou encore les trois entreprises du médicament homéopathique, Lehning, Boiron et Weleda, se sont lancés dans la production de gel hydroalcoolique.

Un problème d’anticipation et de stocks, pas un problème de coût unitaire

Un secours nécessaire, dans la mesure où ce n’est pas le coût unitaire extrêmement modique de ces différents éléments, qui empêche l’Etat d’en acquérir plus. Ce qui pose problème, c’est leur disponibilité, autrement dit la capacité maximale de production des industriels. En période d’épidémie, durant laquelle les besoins en matériel atteignent des niveaux très supérieurs à la normale, les outils de production qui doivent être amortis en temps normal, ne peuvent suivre une telle accélération des besoins dans un temps aussi court. Aussi le flux tendu sans constitution de stocks préalables ne peut être une stratégie viable de réponse à un phénomène épidémique. De la même manière, le nombre d’infirmières, d’aides-soignants et de médecins n’est pas qu’un problème de coût, mais un problème de capacité des structures de formation et de temps nécessaire à leur apprentissage se comptant en années.  Autrement dit, quand la crise survient, il est déjà trop tard sans stocks constitués.

Au-delà des logiques strictement comptables, l’échec de la gestion de la pandémie actuelle réside dans un manque de prise en compte du problème et d’anticipation. Car la prévention des épidémies n’est pas du seul ressort du budget de l’assurance maladie, mais aussi de celui de l’Etat, que financent les impôts, sur un budget distinct abondé non par les cotisations sociales, mais par les impôts et les taxes acquittés par les citoyens. Qui attendent des autorités en retour cette capacité d’anticipation dont l’insuffisance est aujourd’hui la cause du désastre en cours.

Alors que les pouvoirs publics sont de plus en plus sommés de rendre des comptes sur leur gestion de l’épidémie, la tentation d’exonérer les uns et les autres de leurs responsabilités à coup d’arguments comptables devrait logiquement se faire de plus en plus grande. Il faudra pourtant tirer les leçons de ce désastre, qui est avant tout le produit d’une faillite politique. Au risque de reproduire les mêmes erreurs dans la perspective de la prochaine crise sanitaires majeure à laquelle nous devrons faire face.

Par SafeMed

Collectif de patients et professionnels de santé pour une médecine intégrative.