L’homéopathie dans les soins de support en oncologie

Cette semaine, l’article de la semaine nous est proposé par le Docteur Jean-Lionel BAGOT, médecin coordinateur de l’Hôpital de Jour de Soins Intégratifs, de la Clinique de la Toussaint et du Groupe Hospitalier Saint-Vincent à Strasbourg. Il est également auteur de l’ouvrage « Cancer et Homéopathie : rester en forme et mieux supporter les traitements ».

 

De plus en plus d’utilisateurs en oncologie

On estime à 3,8 millions le nombre de personnes dans l’hexagone qui ont, ou ont eu, un cancer. Ce chiffre peut paraître énorme, mais il traduit la dure réalité de cette maladie dont on découvre chaque jour 1 000 nouveaux cas !

Pour rester en forme et mieux supporter leurs traitements, ces patients sont de plus en plus nombreux à s’intéresser aux médecines complémentaires et intégratives. En France, l’homéopathie est la médecine complémentaire de très loin la plus utilisée. Les différentes études montrent une progression régulière de cette thérapeutique de soutien en oncologie. En 2005, nous avons effectué à Strasbourg, la première enquête française sur le sujet. Elle indiquait alors une prévalence d’utilisation de l’homéopathie de 18% tous cancers confondus. Depuis, d’autres études ont montré un taux de 23 % en 2010 à Paris et de 31% en 2017 de nouveau à Strasbourg (Fig.1) [1].

 

Les soins de support

Depuis plus de 20 ans, je me suis spécialisé dans les soins de support en cancérologie. Ce concept thérapeutique venu des Etats-Unis à la fin du siècle dernier, a été définis en 2004 comme étant l’ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades, parallèlement aux traitements spécifiques du cancer, lorsqu’il y en a, tout au long de la maladie [2]. L’Association Francophone des Soins Oncologiques de Support (AFSOS) les qualifie encore d’approche globale de la personne malade pour lui assurer une meilleure qualité de vie. Fortement encouragée par les différents Plan Cancer qui se sont succédés depuis 2003, ces soins d’accompagnements s’occupent de la personne malade dans sa totalité, physique, psychique et sociale. La thérapeutique homéopathique, centrée sur la personne, dénuée d’effets secondaires et d’interaction médicamenteuse, s’inscrit parfaitement dans ce cadre. Une société savante, la Société Homéopathique Internationale de Soins de Support (SHISSO) a été créée en 2016 pour en favoriser la pratique, l’enseignement et la recherche. Elle a publié près de quarante recommandations thérapeutiques en soins de support à destination des thérapeutes et des patients [3].

 

De l’homéopathie, rien que de l’homéopathie

Je travaille depuis 2006 dans un centre anti-cancéreux à Strasbourg et j’accompagne chaque année près de 1500 patients ayant, ou ayant eu, un cancer. Comme soins complémentaires, j’utilise essentiellement les médicaments homéopathiques afin de ne pas interférer avec les traitements du cancer [4]. Une prise en charge homéopathique précoce, permet de prévenir efficacement les effets secondaires des traitements anticancéreux, facilitant ainsi leur observance et le maintien de doses thérapeutiques efficaces.

 

Une bonne qualité de vie, c’est davantage de chances de guérison

L’objectif du traitement de support homéopathique est double. Améliorer la tolérance aux traitements anti-cancéreux afin d’améliorer leur efficacité thérapeutique. Nous savons aujourd’hui que la qualité de vie est directement corrélée à l’amélioration de la survie [5]. Plus grand sera l’état de forme pendant la chimiothérapie, meilleurs seront les résultats thérapeutiques. L’homéopathie en soins de support vient s’inscrire dans cette démarche gagnant-gagnant.

 

La médecine du mode de vie (Lifestyle medicine)

Au-delà de la prescription, une prise en charge globale et des conseils d’hygiène de vie sont également prodigués. Comment manger mieux, bouger plus, stresser moins, être bien entouré, dormir correctement et arrêter les produits toxiques. Ces 6 piliers de la médecine du mode de vie sont expliqués et progressivement mis en place dans le cadre d’une prise en charge intégrative complète.

 

La très intéressante étude du Pr Michael Frass

Si l’’homéopathie est plébiscitée par le public, elle est souvent considérée avec scepticisme par une partie du corps médical. On lui reproche souvent l’absence d’étude clinique de qualité. C’est méconnaître les publications scientifiques sur le sujet. Plusieurs méta-analyses ont confirmé la supériorité du traitement homéopathique par rapport au placebo, une seule l’a infirmé [6].

En cancérologie, une toute récente étude, menée par le Pr Michael Frass a été effectuée dans 4 centres anti-cancéreux de Vienne et des environs [7]. Elle répond aux plus hauts standards de la recherche actuelle : étude prospective de phase III, multicentrique, stratifiée, randomisée et contrôlée versus placebo. Son objectif était d’étudier non seulement la qualité de vie mais aussi la survie de 150 patients atteints de cancer du poumon non à petites cellules, non opérables et traités par chimiothérapie à base de sels de platine. Trois groupes identiques ont été suivis tous les deux mois pendant 2 ans ou jusqu’à leur décès. Après consultation avec le médecin homéopathe, un groupe recevait le traitement homéopathique individualisé, l’autre groupe le placebo. Ni le médecin ni le patient ne savait dans quel groupe il était (principe du double aveugle). Un groupe ne recevant que les traitements conventionnels servait de bras témoin afin d’évaluer l’effet placebo de la consultation homéopathique concernant la survie (Fig.2).

Les résultats sont très en faveur du groupe homéopathie. En comparaison avec le groupe placebo, le traitement homéopathique a permis d’améliorer significativement tous les symptômes de qualité de vie après 18 semaines de traitement (fig.3). L’insomnie, la douleur, la fatigue, la perte d’appétit et les nausées ont été améliorées à plus de 50% (fig.4).


Après deux ans de traitement, on constate un taux de survie doublé dans le bras homéopathique versus le bras placebo (p<0,02) et triplé par rapport au bras témoin (p<0,01) (fig.5). La légère supériorité entre le groupe placebo et le groupe témoin n’est pas statistiquement significative. Cette étude suggère que l’homéopathie, en améliorant l’état général, permettrait une meilleure observance des traitements anticancéreux et donc une meilleure espérance de vie.

 

Qu’en pensent les patients ?

Pour le savoir, nous avons mené à Strasbourg, une étude prospective dans 4 centres anti-cancéreux différents auprès de 535 patients en cours de traitement d’un cancer [1]. L’homéopathie était utilisée par 30,7% d’entre eux, faisant de cette thérapeutique, la médecine complémentaire et intégrative la plus employée en cancérologie (Fig. 6). On assiste à une progression de 83% en 12 ans dans la même ville (Fig. 1). Toujours dans notre étude, l’homéopathie était prescrite dans 75% des cas par un médecin. L’oncologue était informé de son utilisation dans 83% des cas et aucune situation de refus de soin n’était à déplorer. L’amélioration clinique ressentie par les patients était très importante, notamment pour la fatigue, symptôme le plus fréquent en cancérologie, mais aussi pour la douleur, les nausées, le sommeil, l’anxiété, la tristesse, la diarrhée (Fig 7). Notre expérience clinique, vérifiée par celle de nos collègues de différents pays, vient confirmer l’amélioration par l’homéopathie de la qualité de vie et de l’état général décrite par les patients de notre étude. Ces différents résultats expliquent la perception positive de l’homéopathie par de plus en plus d’oncologues dont certains sont devenus des prescripteurs [9].

 

Que deviennent les patients hospitalisés ?

Les soins de support homéopathiques existent aussi à l’hôpital. S’ils ne sont malheureusement pas encore en place dans tous les services, la possibilité d’avoir recours à un praticien spécialisé par téléconsultation permet de continuer le soutien homéopathique depuis son lit d’hôpital.

Nous avons créé à Strasbourg, le premier service d’hospitalisation de jour de soins intégratifs (HDJ-SI). Ouvert depuis décembre 2019 à la clinique de la Toussaint (Fig 8), cet HDJ accueille des patients atteints de cancer évolué ou présentant des symptômes très invalidants. La prise en charge est intégrative, c’est-à-dire globale, centrée sur le patient et utilisant des traitements naturels fondés sur des données probantes. L’homéopathie s’y inscrit particulièrement bien, au côté de l’acupuncture, l’auriculothérapie, le soutien psychologique, la micro-nutrition, l’hypnose, la méditation de pleine présence, l’aromathérapie, la réflexologie, l’ostéopathie et l’arthérapie. Tous ces soins sont personnalisés. Le coefficient de satisfaction est très élevé et les résultats thérapeutiques sont très intéressants [10]. Cette journée est entièrement prise en charge par l’assurance maladie.

 

En conclusion

Il existe actuellement une douzaine de centre anti-cancéreux en France proposant une consultation homéopathique. Souhaitons que ces soins de support, peu coûteux et respectueux du corps comme de l’environnement, puissent continuer à se développer partout en France afin de contribuer à lutter efficacement contre cette difficile épreuve que représente le cancer.

 

 

 

 

Références

  1. Bagot JL, Legrand A, Theunissen I. Use of Homeopathy in Integrative Oncology in Strasbourg, France: Multi-center Cross-Sectional Descriptive Study of Patients Undergoing Cancer Treatment. 2021 Mar 4. ;110:168–173
  2. Krakowski Y et al. Pour une coordination des soins de support pour les personnes atteintes de maladies graves : proposition d’organisation dans les établissements de soins publics et privés. Oncologie, vol 6-N°1-Fev 2004
  3. Bagot JL et al. Recommandations thérapeutiques de la Société Homéopathique Internationale de Soins de Support en Oncologie (SHISSO). revhom 2017 Déc;8(4):183–191
  4. Bagot JL. Improving Tolerance and Compliance of New Targeted Therapies with Homeopathy: A Major Challenge in Oncology. OBM Integrative and Complementary Medicine 2022 ;7 (3) :1-14.
  5. Montazeri A. Quality of life data as prognostic indicators of survival in cancer patients: an overview of the literature from 1982 to 2008. Health Qual Life Outcomes. 2009 Dec 23;7:102.
  6. Mathie RT et al. Randomised placebo-controlled trials of individualised homeopathic treatment: systematic review and meta-analysis. Syst Rev.2014 Dec 6;3:142. doi: 10.1186/2046-4053-3-142
  7. Frass M et al. Homeopathic Treatment as an Add-On Therapy May Improve Quality of Life and Prolong Survival in Patients with Non-Small Cell Lung Cancer: A Prospective, Randomized, Placebo-Controlled, Double-Blind, Three-Arm, Multicenter Study. 2021 Mar;26(3):e523.
  8. Bagot JL. La remarquable étude clinique du Professeur Michael Frass en soins oncologiques de support. Cahiers de Biothérapie. 2021 Déc ;(279):54-61
  9. Bagot JL, Theunissen I, Serral A. Perceptions of homeopathy in supportive cancer care among oncologists and general practitioners in France. Support Care Cancer. 2021 Mar 24.
  10. Bagot JL et al. Le premier hôpital de jour français de soins intégratifs en oncologie au Groupe Hospitalier Saint-Vincent de Strasbourg. Mode de fonctionnement et résultats thérapeutiques préliminaires. Revhom. 2021 Déc ;12(4) :231-41.

Par SafeMed

Collectif de patients et professionnels de santé pour une médecine intégrative.