Ce que nous a appris la crise sanitaire

Pour se protéger du coronavirus, et parmi les gestes barrières, le lavage des mains reste une valeur sûre. Reconnu par tous, il éviterait également la propagation des maladies hivernales habituelles comme la grippe, les gastroentérites et les bronchiolites des nourrissons. Pourtant, celui qui a promu cette protection si évidente fut à son époque banni par ses pairs.

Revenons à cette histoire. Ignace-Philippe Semmelweis,  jeune médecin Hongrois (1818-1865) remarque que les femmes qui accouchent dans le service d’obstétrique de l’hôpital de Vienne en Autriche meurent d’infection avec une fréquence de 20 à 40%. Elles sont examinées par de jeunes étudiants en médecine. Celles qui sont examinées par les sages-femmes en formation ne dépassent pas un taux de 3% de mortalité par infection. La différence vient du fait que les médecins travaillent dans un service mitoyen et pratiquent des dissections anatomiques. Il n’en faut pas plus pour que le Dr Semmelweis suspecte, 15 ans avant les découvertes de Pasteur,  des « particules » invisibles mais potentiellement très dangereuses. Il impose alors le lavage des mains des étudiants pendant 5 minutes avec une solution antiseptique (chlorure de chaux) qui réduit à 1,3% le taux de mortalité.

Combattu à l’époque par les pontes de la médecine qui remettent en cause ses théories, et ne pouvant en apporter les preuves, il mourut à la suite de troubles mentaux consécutifs à ce rejet de la communauté « scientifique »  de son époque. Il est intéressant de souligner que Samuel Hahnemann, découvreur de l’homéopathie, contemporain de ce médecin, avait fait les mêmes conclusions en parlant de « miasmes » à l’origine de maladies infectieuses et subissant les mêmes railleries de ses pairs.

Les mêmes causes produisent les mêmes effets. La médecine de soin anticipe très souvent la médecine par les preuves. L’observation clinique de faits permet de parer à des besoins médicaux de la population avant même que des études longues, coûteuses et parfois faussées puissent en établir l’autorisation officielle.

Nous l’avons vu au début de la crise sanitaire lorsque nous prescrivions chez des personnes âgées en EHPAD au 4ème jour de fièvre, sans tests pour valider, de l’oxygène, une antibiothérapie et des anticoagulants avant même que les diverses autorités ne donnent la moindre directive. Les résultats sur le terrain ont montré l’intérêt des ces prises en charge.

La médecine intégrative, associant des thérapeutiques conventionnelles à des pratiques complémentaires, entre dans ce champ de réflexion. Souvent faite de prises en charge traditionnelles comme l’acupuncture, l’homéopathie, la méditation ou de pratiques plus récentes comme les thérapies comportementales et cognitives, l’hypnose ou la réflexologie plantaire, ces variantes médicales sont au mieux tolérées si elles ne sont pas raillées par les descendants de ceux qui rejetaient le Dr Semmelweis à son époque.

Vers 1550 av. J.-C., l’écorce de saule, précurseur de l’aspirine, était déjà utilisée par les Egyptiens pour des douleurs et la fièvre. Il a fallu attendre 1971 pour en connaître le mécanisme d’action qui a valu un prix Nobel en 1982.

Le Dr Freud (1856-1939), théoricien de la psychanalyse,  mettait en avant les mécanismes inconscients qui régissent en partie notre quotidien. Ses travaux cliniques en lien avec l’hypnose sont à ce jour confirmés par les neurosciences et selon Sylvie Chokron, neuropsychologue et directrice de recherche au CNRS, « Ces processus non conscients font la richesse de notre intelligence ». La relation conscient–inconscient a d’ailleurs valu un prix Nobel en 2011 au psychologue Daniel Kahnemann.

L’acupuncture, pourtant pratiquée dans le cadre de la médecine chinoise, mais également en Inde, en Corée, au Vietnam ou au Japon depuis plusieurs siècles, est encore qualifiée aujourd’hui de « pseudo-science », selon le dogme qui dit que « ce qui n’est pas encore compris ne peut pas exister ». Pourtant, cette médecine traditionnelle a permis de soigner de nombreuses personnes de douleurs, troubles anxio-dépressif et autres pathologies courantes de la médecine générale.

Il restera à comprendre comment l’organisme met en jeu ses capacités de guérison pour admettre que certaines pratiques thérapeutiques peuvent l’aider à être plus performant. Dans un monde ou la réponse au symptôme, signe d’un déséquilibre de l’organisme, est le fait d’un médicament visant à supprimer celui-ci comme le montre l’engouement pour le paracétamol, la place des thérapeutiques complémentaires, qui prennent en compte la globalité de l’individu, reste à faire. N’en déplaise à certains, la science médicale, en lien avec la complexité humaine, reste un domaine avant tout empirique et les mécanismes d’action ainsi que les résultats obtenus chez l’homme ne sont pas toujours mesurables avec nos moyens d’aujourd’hui.

Doit-on pour autant réduire la médecine à des vérités statistiques, sachant que la vérité d’aujourd’hui est souvent contredite le lendemain ?

Par SafeMed

Collectif de patients et professionnels de santé pour une médecine intégrative.