La pharmacie, un atout français en péril ?

Depuis 1995, la France figure parmi les plus grands producteurs de l’Union Européenne et les principaux exportateurs mondiaux de médicaments. La politique conventionnelle entre l’État et les industries du médicament a contribué à cette situation. Mais elle pourrait changer car de nombreux sites de recherche ont fermé dans l’hexagone… et d’autres pourraient le faire à cause de la pandémie du coronavirus.

La pharmacie est l’une des industries les plus importantes en France. En 2016, les exportations de produits pharmaceutiques ont représenté 6,6 % des exportations totales de la France. Le secteur est le quatrième plus gros contributeur au solde de la balance commerciale (hors matériel militaire) avec un excédent commercial conséquent de 7,6 milliards d’euros.

Selon une étude de l’Insee parue en 2016, la France compte 8 600 entreprises pharmaceutiques (groupes et unités légales), réalisant un chiffre d’affaires de 95,7 milliards d’euros avec 161 000 emplois directs. Plus de 60% de ce chiffre d’affaires est réalisé à l’exportation.

L’homéopathie plébiscitée par les Français

Cette industrie pharmaceutique comprend précisément 367 groupes, dont 77 sous contrôle français et 290 sous contrôle étranger. Les autres entreprises du cœur de la pharmacie sont des groupes « franco-français » ou des unités indépendantes. Leur poids est marginal : leurs exportations et importations de biens pharmaceutiques ne représentent que quelques centaines de millions d’euros pour une valeur ajoutée d’un peu plus d’un milliard en 2012.

Ces petits labos français, qui jouissent d’une expertise et d’un ancrage historiques, bénéficient d’un actionnariat familial stable, des marques de renom, une internationalisation poussée, qui expliquent le plus souvent leur pérennité sur plusieurs générations.

Le secteur pharmaceutique français inclut également les laboratoires homéopathiques tels que Boiron et Lehning. Ces deux acteurs français produisent, avec le suisse Weleda, la presque totalité des médicaments et préparations magistrales homéopathiques.

Ce marché représente autour de 1,10 % de ventes de médicaments en France. Coté à la bourse de Paris, le groupe Boiron prend la plus grande part. Majoritairement détenue par la famille Boiron (à 69,6 %), cette société a enregistré en 2018 un chiffre d’affaires de près de 604 millions d’euros. Quant à Lehning, son chiffre d’affaires s’établit autour de 20 millions d’euros.

Des chiffres qui témoignent de l’engouement de nos compatriotes pour l’homéopathie, malgré la cabale en cours. D’après une étude réalisée par IPSOS pour Weleda/Lehning/Boiron auprès de 302 médecins généralistes libéraux en mars 2019, trois quart des Français ont déjà pris de l’homéopathie au cours de leur vie.

Et 74% des utilisateurs jugent que les médicaments homéopathiques sont efficaces. Quant aux praticiens, un médecin généraliste sur trois prescrit régulièrement des médicaments homéopathiques, soit 20.000 médecins. Parmi eux, 4000 ont une pratique experte.

La nécessité d’une relocalisation de la production en France  

Mais, si la pharmacie est un poids lourd du secteur industriel français, elle a vu ses fondements être mis à nu par la pandémie du coronavirus. Avec 80 % des médicaments fabriqués en Asie, la France reste trop dépendante de la Chine et de l’Inde.

Pour rectifier le tir, les dirigeants politiques européens promettent de faire revenir les laboratoires sur le continent. La France de Macron s’inscrit dans cette dynamique. Elle veut relocaliser son industrie pharmaceutique car la santé est devenue une question de souveraineté et de sécurité nationale.

Pour Nathalie Coutinet, économiste de la santé à l’université Paris 13, « avant de parler relocalisation, cherchons d’abord à préserver le tissu industriel existant ». Or aujourd’hui, la politique sanitaire menace le développement même de la pharmacie en France. Il y a par exemple la décision de dérembourser l’homéopathie à partir de 2021.

On voudrait que cette thérapie ne soit pas efficace alors qu’il suffit d’avoir un peu de volonté et d’honnêteté intellectuelle pour s’apercevoir du contraire. On voudrait également faire croire qu’elle creuse un trou dans la Sécurité sociale. Pourtant, les médicaments homéopathiques ne coûtent 72,8 millions d’euros supplémentaires à l’assurance maladie. Sur les 18,8 milliards d’euros remboursés en 2016, cette part représente seulement 0,69 %.

De nombreux emplois menacés

Il n’y a donc pas de raison d’invoquer l’argument financier. D’ailleurs, le déremboursement de l’homéopathie risque de condamner des entreprises, et partant, mettre en péril des emplois. Boiron, qui vend 60% de ses médicaments en France, pourrait licencier 1000 de ses 2516 salariés.

Le laboratoire français va en outre fermer, en plus d’usines, douze de ses 27 plateformes de préparation dans tout le pays. Ce qui pourrait toucher 4000 emplois indirects. Sur le plan financier, le déremboursement va entraîner une baisse de 50% des activités du fabricant la première année, et de 50% à nouveau l’année suivante. Si le déremboursement touche moins leurs activités, grâce à une production plus variée, Lehning et Weleda devrait quand même supprimer quelques postes, environ 300 pour l’ensemble des deux groupes.

Face aux conséquences sur les laboratoires, de nombreux élus, dont les sénateurs Pierre Louault et Sabine Van Heghe demandent un moratoire sur le déremboursement afin d’arriver à une décision concertée qui contribuera à sauver des emplois en France et à garantir la liberté des soins. Un avis largement partagé par la directrice générale de Boiron Lorentz-Poinsot et le Collectif SafeMed, qui a engagé Maître William Bourdon pour défendre la cause de l’homéopathie.

Par SafeMed

Collectif de patients et professionnels de santé pour une médecine intégrative.