Courrier d’une jeune généraliste au Sénateur de Quimper Michel Canevet

Anne A., 2ème au DIU de Brest Reims Lyon de juin dernier

Monsieur le Sénateur,

Suite à votre entretien avec le Dr Xavier LE GREGAM concernant le déremboursement de l’homéopathie, je me permets de vous écrire pour vous livrer ma vision de jeune médecin généraliste (installée depuis 2015 sur PLOMEUR, thésée en 2013). Je me suis formée à l’homéopathie en 2016-2018, je débute donc dans ma pratique qui n’est pas encore aussi maîtrisée que celle du Dr LE GREGAM.

L’intérêt de l’homéopathie se situe à plusieurs niveaux :

  • Traitement des pathologies bénignes, avec action rapide, où les traitements symptomatiques présentent des effets indésirables non négligeables : ex. des anti-inflammatoires dans les pathologies ORL bénignes, favorisant le recours aux antibiotiques et à la chirurgie en cas de complications ;
  • Traitement des récurrences : éviter les récidives trop fréquentes des infections, éviter de ce fait les antibiothérapies, consultations, examens paracliniques répétés ;
  • Permettre une meilleure tolérance des traitements conventionnels lourds ;
  • Permettre une meilleure approche clinique, plus fine, permettant de distinguer rapidement une situation clinique « à risque » d’une sans danger ;
  • Répondre aux objectifs de santé publique : réduire la consommation d’antibiotiques, d’anxiolytiques et d’hypnotiques, réduire la durée des arrêts de travail, limiter les examens complémentaires par une meilleure approche clinique ;
  • Protection de l’environnement : les thérapeutiques homéopathiques sont obtenues par dilutions de toxiques, cette dilution permet de protéger davantage la flore que la phytothérapie dérégulée.

Objectivement, ma dernière rencontre avec le délégué de l’assurance maladie a été surprenante : mes prescriptions d’antibiotiques avaient diminué, je ne m’attendais pas à « voir » un résultat si rapidement.

Pour répondre aux arguments des détracteurs de l’homéopathie :

  • L’homéopathie est un placebo, il n’a pas d’effet : j’ai obtenu des effets indésirables avec des dilutions inadaptées ;
  • Il faut y croire pour que ça marche : j’ai obtenu des résultats chez des patients n’y croyant pas ; je n’ai obtenu aucun résultat avec un traitement A (pour une maladie A), puis obtenu un résultat avec un traitement B (pour une maladie B), chez des patients qui n’y croyaient pas ;
  • Il n’y a pas de molécules au-delà de 9ch : des études scientifiques existent et démontrent une activité physique à une échelle nanomoléculaire. Etrangement, d’autres nanoparticules ont des effets sur le corps : des nanoparticules d’amiante déclenchent des cancers, des nanoparticules de diesel déclenchent des asthmes, je ne sais pas si je dois y « croire » ou pas.

Les risques du déremboursement :

  • Augmentation du recours aux thérapeutiques classiques, avec escalade thérapeutique, traitements des effets indésirables et investigations paracliniques inutiles (ex : constipation sous antalgiques de palier 2 avec traitement laxatif, puis hospitalisation pour sub-occlusion, qui aurait pu être évité par un traitement de fond de la douleur) ;
  • Augmentation des arrêts de travail sans possibilité de reprise, augmentation du handicap ;
  • Favoriser l’automédication avec un signal fort du « ce n’est pas efficace donc ça ne peut pas faire de mal » ce qui est faux ; l’homéopathie défraie parfois la chronique quand elle est mal utilisée (comme toute autre méthode thérapeutique d’ailleurs) ;
  • Moindre formation des médecins à l’homéopathie, donc mauvais encadrement de l’automédication ;
  • Favoriser l’installation des homéopathes en secteur 2, dérégulé ;
  • Laisser la part belle aux thérapeutes en tout genre, sans formation médicale, dans un contexte de défiance croissante face aux vaccins et autres thérapeutiques conventionnelles.

Exemple de la phytothérapie, déremboursée : automédication actuelle sans régulation médicale puisque les praticiens n’y sont pas formés, les thérapeutiques entrant souvent dans le cadre des compléments alimentaires, sans précision de dosage valide ; interactions mal connues car peu étudiées avec les traitements conventionnels, menant parfois à des catastrophes lorsque prises en même temps que des traitements lourds. Délaissée du champ médical conventionnel, laissant le champ libre aux thérapeutes « naturels ».

Pourquoi l’homéopathie est-elle méconnue et difficile d’accès aux médecins ?

  • Connotation péjorative : s’y intéresser expose au jugement de ses pairs, qu’il faut pouvoir accepter ;
  • Investissement personnel lourd : déplacements réguliers pour les formations, travail personnel important en plus de la charge de travail habituelle ;
  • Allongement de la durée des consultations (théorique) : au moins initiale, mais un médecin chevronné pourra aller plus vite ;
  • Protocoles de prescription proposés d’efficacité inégale, réflexion différente à appréhender afin d’affiner sa prescription ;
  • Obtention parfois difficile des dilutions souhaitées auprès des pharmacies, pour une action urgente ;
  • Disparition de nombreuses formes galéniques comme les teintures-mère, pourtant très efficaces dans un usage maîtrisé.

Pour conclure, actuellement, je ne peux parler que de ce que je connais car je m’y suis formée. Je connais les limites de mes thérapeutiques complémentaires, je ne soigne pas un cancer uniquement avec des granules ou des plantes. Mais je place ces thérapeutiques là où elles agissent, en accompagnement.

A l’heure où le peuple défie de plus en plus les politiques, que doit-on faire ? Choisir la restriction ou la diversité de soin ? Dérembourser, réduire le remboursement ou rester à 30% ? Prendre le risque de favoriser l’automédication sans contrôle médical, les accidents plus ou moins mortel qui en découlent et l’échappement des thérapeutiques dans des girons mal formés ?

C’est un choix politique.

Merci d’avance pour votre engagement.

Par SafeMed

Collectif de patients et professionnels de santé pour une médecine intégrative.