Homéopathie : pourquoi tant de haine ?

Il y a d’abord eu la parution d’une tribune de professionnels de santé dans le Figaro en mars dernier dénonçant le recours « aux médecines alternatives » ; puis le débat sur le remboursement de leurs médicaments par la Sécurité sociale. Enfin la décision de la Faculté de médecine de Lille de supprimer les cours d’homéopathie. Depuis quelques mois, l’homéopathie se retrouve au cœur d’une tempête médiatique. Pourquoi tant de haine ?

Une médecine issue d’un processus historique

L’homéopathie n’est pas un phénomène qui proviendrait de nulle part. Née au XVIIIe siècle, sous l’impulsion de Samuel Hahnemann, médecin allemand qui exerça à Paris à partir de 1835 et qui diffusa les premiers principes de l’homéothérapie, cette pratique s’est développée puis structurée au cours du XIXe et XXe siècle. On commence à en parler en 1968. La journaliste Rosie Morel évoque alors une thérapie encore peu connue en France. D’après elle, « il existait [à l’époque] en France deux mille médecins homéopathes qui pratiquent la “thérapeutique par les semblables”. Autrement dit, qui administrent à leurs malades des doses infinitésimales de substances végétales, animales ou organiques qui, en grande quantité, donneraient précisément les symptômes de la maladie combattue ». Premier article vulgarisateur du principe de la dilution hahnemannienne, héritée du nom de son inventeur.

Un remboursement acté par le rapport Lebatard-Sartre en 1995

Ce rapport du député Lebatard-Sartre, devenu la référence sur l’exercice de l’homéopathie, constate que l’exercice de l’homéopathie est admis par les pouvoirs publics. Les actes des médecins homéopathes sont remboursés, de même pour les médicaments homéopathiques, réglementés depuis 1948 et inscrits à la pharmacopée française depuis 1965, à la pharmacopée européenne en 1995).

Le rapport pointe le flou concernant l’exercice de cette thérapeutique, qui rencontre de plus en plus de succès, et recommande de structurer et mieux encadrer ces traitements par une formation dans un cadre hospitalo-universitaire.

Une formation de médecin avant tout

C’est à la suite de ce rapport que le conseil de l’Ordre des médecins reconnaît l’homéopathie.

Aujourd’hui, la formation d’un médecin homéopathe commence de la même manière qu’un médecin classique : il se doit d’être avant tout docteur en médecine, généraliste ou spécialiste, au sens de l’article L356-2 du code de santé public.

Une fois sa formation de médecin achevée, il peut opter pour une formation complémentaire en homéopathie. Plusieurs organismes, privés ou publics, sont habilités à dispenser de telles formations. C’est notamment le cas, de l’INHF, mais aussi du centre d’Enseignement Homéopathique de France (CHF), et du Centre d’Étude et de Documentation Homéopathique (CEDH). Parallèlement, depuis 2008, la Société Savante d’Homéopathie organise des rassemblements « au niveau national afin de travailler à l’harmonisation des concepts fondateurs de l’homéopathie et de sa pratique ». Une norme européenne récente publiée fin 2016, la norme européenne EN 16872 délivre des critères en vue de garantir la qualité des soins homéopathiques délivrés par des médecins. Y compris sous l’angle de la formation.

Un succès grandissant auprès de la population

Selon la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM), on comptabilisait en France en 2014, 73 homéopathes exclusifs, et 1419 médecins ayant une pratique mixte de médecine générale et d’homéopathie. Pour l’institut National Homéopathique Français (INHF), en revanche, ils seraient environ 5000 à être médecins diplômés en homéopathie, toutes pratiques confondues. Des chiffres qui ne reflètent pas pour autant le succès rencontré dans l’opinion publique. Selon l’enquête Ipsos réalisée en 2012, l’utilisation des médicaments homéopathiques se développe : 56 % des Français utilisent des médicaments homéopathiques  (un chiffre en constante augmentation : +3 points vs 2010 ; +17 points vs 2004). La raison ? Une crédibilité renforcée des médicaments homéopathiques dans un contexte de défiance accrue sur les médicaments traditionnels ([1]). Au final, 77 % des répondants déclarent faire confiance à l’homéopathie à un niveau quasi équivalent aux antalgiques, et 68 % à des médicaments comme les antibiotiques ou les antidépresseurs.

Qui dit confiance grandissante, dit pression pour y avoir accès plus facilement.

Un coût epsilon dans le budget de la Sécurité sociale

Enfin que représente l’industrie de l’homéopathie dans la cartographie nationale ? On estime qu’en France, le marché représente au minimum 200 millions d’euros chaque année. S’ils captent automatiquement une part des dépenses de santé des ménages, les médicaments homéopathiques ne représentent, eux, pour l’instant que 0,3% des remboursements d’après les chiffres de l’Assurance maladie pour 2016. A ce compte-là, peut-on sérieusement en conclure qu’elle représente  un danger pour l’industrie pharmaceutique traditionnelle ?

Campagne anti-homéopathie : qui est la vraie cible ?

Pourquoi aujourd’hui cette guerre contre une médecine qui coûte peu, à l’innocuité prouvée et plébiscitée par la population ? A l’inspection générale de l’administration, Leïla Sarfati-Ghilas, chef de la cellule ministérielle d’audit comptable et budgétaire, n’hésite pas à pointer les moyens employés par certains laboratoires pour nuire à la réputation de l’homéopathie : « des départements marketing de certains laboratoires rédigent des articles qui sont par la suite signés par des leaders d’opinion et des chercheurs universitaires ». En quoi le succès de l’homéopathie gênerait-il ? Faut-il plutôt y voir une tentative de réponse à un contexte de défiance généralisée envers une médecine (trop) sûre d’elle-même et de son autorité ? Dans ce cas, ne se trompe-t-on pas de cible ? La priorité ne serait-elle pas de recréer les conditions de la confiance avec les patients, à travers l’écoute des consommateurs et le partage des informations dans un souci de transparence ?

[1] Source Enquête IPSOS, 2012 « L’homéopathie fait de plus en plus d’adeptes » : 18 % des Français ont l’impression que leur confiance dans les médicaments homéopathiques s’est renforcée, tandis que l’impression d’une moindre confiance est ressentie par une proportion similaire (24 % pour les antibiotiques et les antidépresseurs, 14 % pour les antalgiques).

Par SafeMed

Collectif de patients et professionnels de santé pour une médecine intégrative.