6 spécialistes du cholestérol soupçonnés de conflits d’intérêts

Une plainte déposée par Anticor visant six médecins spécialistes du cholestérol met en lumière la question des liens entre les autorités sanitaires et des laboratoires pharmaceutiques, et leur impact sur la santé des Français.

Six médecins membres d’un groupe d’expertise de la Haute Autorité de santé (HAS) ont-ils avantagé illégalement des laboratoires pharmaceutiques ? C’est l’objet d’une plainte contre X déposée le 3 octobre au parquet de Bobigny par Anticor. L’association qui lutte contre la corruption et pour la promotion de l’éthique dans la vie publique dénonce « une prise illégale d’intérêts ». En cause : ces médecins, auteurs d’une recommandation sur la prise en charge des dyslipidémies (cholestérol, excès de triglycérides…) auraient négligé de déclarer leurs liens financiers avec l’industrie pharmaceutique. Passer sous silence ces informations est pourtant une infraction au Code de la santé publique qui oblige les participants aux groupes d’étude de la HAS à renseigner leurs liens d’intérêt pendant les cinq années précédant leur mission.

Une situation que dénonce l’association anti-corruption, d’autant que cette recommandation « accroît notablement le nombre de patients chez qui un traitement est indiqué », à l’avantage donc de ces mêmes laboratoires. Des liens qui jettent un doute sur l’objectivité du rapport ainsi que sur les bénéfices pour les patients et sur l’absence de risque de sur-médication.

Conflits d’intérêt et sur-médication

La surconsommation de médicaments représente pourtant un risque majeur du point de vue de la santé publique, en particulier chez les populations les plus vulnérables comme les séniors. Le mensuel 60 Millions de consommateurs alertait ainsi en octobre 2017 sur le problème de la polymédication chez les personnes âgées. 130 000 hospitalisations et 7 500 décès par an seraient directement imputables à l’excès de médicaments chez les 65 ans et plus selon l’Assurance maladie.

A l’origine de ces révélations, une enquête menée par l’association pour une formation médicale indépendante (Formindep), qui regroupe professionnels de santé et citoyens de tous horizons. Créée en 2004, la Formindep milite contre « l’influence des intérêts économiques auprès des patients, des médecins, des étudiants en médecine et des décideurs publics ». L’association a mis au jour cette situation de potentiel conflit d’intérêt en comparant les informations transmises à la HAS et celles de la base de données Transparence-Santé renseignée par les laboratoires. A la suite de ces découvertes, elle avait déjà écrit le 1er juin 2018 à la HAS pour dénoncer la situation. Elle a déposé le 28 août un recours devant le Conseil d’Etat pour faire annuler cette recommandation.

Cette nouvelle affaire n’est pas sans rappeler un autre précédent. En mars 2009, la Formindep avait déjà déposé des requêtes en annulation au Conseil d’Etat contre deux recommandations de la HAS sur le diabète de type 2 et la maladie d’Alzheimer, pour non-respect des règles de gestion des conflits d’intérêt. Elle en avait obtenu l’annulation en décembre 2011.

Depuis octobre 2016, la Haute Autorité de santé s’est dotée d’un déontologue chargé de veiller au respect des obligations de déclaration des liens d’intérêts et de prévention des conflits d’intérêt. Un garde-fou qui n’aura pas suffit à empêcher ce nouveau scandale sanitaire.

Par SafeMed

Collectif de patients et professionnels de santé pour une médecine intégrative.